Pour vous: Un extrait du livre numérique "Michael, journal d'un fan"...Suite à notre information du
4 octobre dernier concernant la sortie d'un livre numérique de Franck Vidiella "
Michael, journal d'un fan" le 10 novembre prochain chez numerik livres, voici aujourd'hui pour vous un extrait de ce livre suivi d'un illustration.
EXTRAIT MICHAEL, JOURNAL DʼUN FAN, FRANCK VIDIELLA, NUMÉRIKLIVRES, TOUS DROITS RÉSERVÉS
Un étranger dans Moscou Août 2009. 48 jours depuis la mort de Michael.
J’ai posé des congés. Deux semaines. Il me faut partir, partir de cette ville immobile où rien ne change. J’ai besoin d’air, de changer d’atmosphère. De vider ma tête aussi. Depuis le 25 juin, malgré le court séjour du mois dernier à Londres, je n’ai toujours pas réussi à trouver la paix. Je ne dors presque plus. Mes nuits sont très agitées ; cauchemardesques parfois. Je dois fuir. Fuir pour oublier. Voyager pour m’évader.
Je me mets donc à la recherche d’une nouvelle destination. Pas évident. Mon budget est limité et j’ai déjà pas mal bourlingué. Michael et les voyages ont toujours été ma passion. Les choix abordables se font d’ailleurs de plus en plus rares et une autre complexité s’ajoute à cela : je n’aime que les grandes villes. Dans la nature, je m’ennuie. J’ai besoin de m’éclater, d’avoir mille choses à faire et à découvrir, de ne plus savoir où donner de la tête ; m’occuper. C’est pour cette raison que j’aime les mégapoles, parce qu’elles sont débordantes d’énergie et que cette vigueur m’absorbe littéralement. Dans les grandes villes, le temps n’est plus à la réflexion.
Comme à mon habitude, je cherche frénétiquement la bonne affaire sur la toile. Internet n’a plus aucun secret pour moi. J’en connais tous les recoins, toutes les astuces. Moteurs de recherche spécialisés, comparateurs de prix, agences de voyage en ligne… Je fouille et je déniche ; je cherche et je trouve ; toujours. Cette fois-ci, j’ai de la chance. Je tombe sur une promotion de la Lufthansa. Deux-cents euros l’aller- retour à destination de Moscou, un petit miracle. J’ai une connaissance très limitée des pays de l’Est et rêve de la Russie depuis quelques années déjà. Moscou m’attire, sans trop savoir pourquoi. C’est probablement lié à
Stranger in Moscow, l’un des titres phares de l’album
History dont la mélodie et le rythme me reviennent à l’esprit à chaque fois que j’entends le nom de la capitale russe. J’adore cette chanson, c’est même l’une de mes préférées. La première fois que je l’ai entendue, je l’ai immédiatement adorée. J’aime sa douce mélodie et la profondeur des textes écrits par Michael pour cette ballade. On y ressent en l’écoutant le poids de la douleur et la solitude. Ce titre fut composé à la suite des accusations d’attouchements sexuels sur mineur qui pesèrent sur lui en 1993. Cette affaire aurait pu le détruire. Ce fut aussi une période très éprouvante pour les fans, la conviction de son innocence n’ayant de cesse d’être confrontée aux suspicions malsaines de l’opinion publique entretenues par les médias. Ils auraient tellement aimé que la culpabilité de Michael soit avérée. Au lieu de cela, il préféra signer un accord à l’amiable et payer le silence de la victime supposée. Avec le recul, il avoua lui-même avoir commis une erreur, avoir été mal conseillé. Son entourage professionnel était effrayé par la perspective d’une carrière interrompue longuement le temps d’une procédure forcément lourde. Il aurait mieux fait de défendre immédiatement son honneur devant les tribunaux. Il aurait prouvé, comme il le fit dix ans plus tard face à des accusations de même nature, son innocence au monde entier.
Je saisis l’opportunité qui m’est offerte. J’achète les billets d’avion et commence à m’organiser. Il faut d’abord que je trouve un hôtel. Et là, la bonne affaire se transforme en galère. Moscou est devenue la ville la plus chère du monde, un détail que j’avais négligé. Qu’importe le prix, il faut que je m’évade, que je prenne la fuite à l’Est. Et de toute façon, les billets sont non remboursables. Une excuse idéale.
Après plusieurs nuits passées devant mon écran, les yeux affaiblis par la luminescence des pixels, je mets la main sur une ultime promotion reçue directement dans ma boîte mail. L’hôtel en question est cher — c’est un quatre étoiles — mais idéalement situé. Son rapport qualité prix, pour un hébergement proche de la Place Rouge, est excellent. Il ne me reste donc qu’à patienter en préparant mon voyage, à prendre mon mal en patience, à supporter ce quotidien au centre duquel le souvenir de Michael est à la fois si présent et si douloureux. Ma mémoire me fait mal. Ma nostalgie me détruit. J’aimerais tellement qu’il soit encore là.
Mardi. Encore deux jours à attendre. C’est étrange. J’ai une envie irrépressible de partir, et je suis submergé par l’angoisse. Mes nuits sont de plus en plus courtes, mes insomnies de plus en plus fortes et mes journées de plus en plus longues. J’ai l’impression d’être comme un drogué qui s’apprête à se faire un
fix. Dans un élan de culpabilité, j’appréhende l’envol, espère m’évader et redoute la descente, le retour vers la normalité. J’ai conscience que ces voyages sont une fuite en avant, une échappatoire illusoire teintée de lâcheté. Mais j’en ai besoin, comme un toxicomane a besoin de sa dose. J’ai besoin d’oublier mon chagrin, d’oublier ces interminables journées passées sans Michael. Sa mort me rend si triste. Je repense sans cesse à cette nuit d’été où j’ai appris, en direct sur CNN, son tragique départ. Je revois en boucle les images de son corps dans cet hélicoptère et l’imagine sur son lit, pétri de douleur, l’aiguille plantée dans le bras, le Propofol ruisselant dans ses veines à doses mortelles. Ce médecin est une ordure ! Il mériterait de finir sa vie en prison. À la simple évocation de cette perspective, je me mets dans la peau d’un détenu le coinçant dans les douches pour lui faire subir les pires sévices. Dans cette pièce sombre où personne ne prend le risque de se rendre le soir, l’odeur putride de l’humidité mélangée à la crasse laissée par des générations de prisonniers me prend à la gorge et a pour effet de démultiplier ma violence. Sur les murs dégoulinants résonne
ainsi, au rythme des coups et des cris, mon désir de vengeance. J’ai envie de lui faire mal, qu’il paye pour la souffrance de Michael et de ses fans. La haine monte en moi ; la colère gronde dans mes entrailles. Et ça me met mal à l’aise, comme si cette colère était un frein à mon deuil, une colère dont j’aimerais me défaire. Depuis le 25 juin, je ne suis déjà plus que l’ombre de moi-même ; il ne faudrait pas que cette tragédie me transforme définitivement.
Vous pouvez lire la suite de cet extrait via
calameoAuteur: Franck Vidiella
Collection: «Histoires à lire debout»
ISBN: 978-2-919248-32-2
Format: ebook pdf et ePub sans DRM
Prix: 7,99 euros/ 9,99 $
Date de parution: 10 novembre 2010Lien utile:
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source:MJFrance.com