Voici une entrevue très intéressante avec Matt Forger (ingénieur du son) dans laquelle il raconte sa collaboration avec Michael mais aussi son intervention sur les albums MICHAEL et Bad 25. Il revient notamment sur la polémique qui a eu lieu lors de la sortie de l'album posthume concernant le fait que sur certaines chansons il ne s'agissait pas, selon certains, de la voix de Michael. Il raconte également quelques petites anecdotes, la façon dont MJ travaillait, etc...
Bonne lecture ^^
Pour ses 25 ans, l’album Bad ressort augmenté d’un live et d’inédits bluffants. L’ingénieur du son Matt Forger participa à la genèse du disque et à l’excavation de ses raretés.
D’un timbre de séraphin fragile, Michael Jackson expliqua un jour la manière dont les chansons lui venaient : « C’est comme se tenir sous un arbre, regarder une feuille tomber et essayer de l’attraper. C’est aussi beau que ça. » Ecouter sa voix ondoyer sur « I’m So Blue », déployer ses ailes sur « Free », se faire irrésistiblement plaintive ou rugueuse sur les inédits de la réédition de Bad conduit au même état d’éblouissement. Un songe où l’on se dit que la Muse n’a jamais délaissé le promeneur lunaire, qu’il continue de vivre à travers ses chansons.
Sortis à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’album, ces nouveaux titres sont notamment disponibles dans un coffret Deluxe incluant une prestation sous adrénaline, inédite elle aussi, filmée en 1988 à Wembley. Enfilés à la suite des standards de l’album, ils forment un chapelet artistique dont la flamboyance dissipe l’ombre longtemps portée sur Bad par le disque phénoménal auquel il succéda.
Ingénieur du son jacksonien dès les sessions de Thriller, Matt Forger a mis au jour ces morceaux jusqu’ici inconnus. Ses souvenirs ouvrent les portes du « laboratory », ce home-studio où Michael Jackson réalisa les esquisses de Bad.
On raconte que Michael, à un moment donné de la période qui suivit Thriller, inscrivit « 100 Millions » sur un bout de papier avant de le coller au miroir de sa salle de bain. L’anecdote est-elle véridique ?Vous savez, tout artiste dont l’album récolte un énorme succès désire que le suivant fasse encore mieux. Pour répondre à votre question : oui, c’est vrai, il a bien écrit cela avant de le coller au miroir de la salle de bain. Il l’a fait pour lui-même, afin de s’encourager à travailler mieux et plus dur, pour progresser sur un plan créatif. L’ironie, c’est que ce n’est pas l’album Bad qui se vendit à 100 millions de copies, mais c’est en fait Thriller qui a aujourd’hui dépassé ce chiffre. De manière étrange, le chiffre qu’il avait inscrit a bien été dépassé.
Vous souvenez-vous du moment où Michael commença à écrire les chansons de Bad ?Nous travaillions avec Michael sur un projet intitulé Captain Eo, pour les parcs d’attractions Disney. Il s’agissait d’un film 3D dont la musique était de Michael et dans lequel il jouait. C’est au moment où ces compositions furent achevées que nous avons commencé à travailler sur les chansons de l’album Bad. C’était en été 1985. Nous avons d’abord travaillé sur « Dirty Diana », puis sur « Smooth Criminal ». Ensuite ce fut au tour de la chanson « The Way You Make Me Feel », qui était initialement baptisée « Hot Fever » – mais l’écriture des paroles ayant progressé, l’accroche et le refrain de la chanson en sont devenus le titre. Il faut que vous compreniez que le projet Bad débuta de la façon suivante : j’ai commencé à travailler avec Michael et le musicien John Barnes au studio familial d’Encino en juillet 1985, si mes souvenirs sont exacts. Et Quincy Jones ne commença pas à travailler aux Studios Westlake avant août 1986. J’ai donc travaillé avec Michael pendant une année entière avant que les enregistrements aux Studios Westlake ne débutent en parallèle. Michael passa tout ce temps à développer les chansons, le style de ses productions, les arrangements, les types de sons qu’il voulait. Et tout ceci fut encouragé par Quincy Jones.
Pouvez-vous nous raconter ce qu’était le « laboratoire » ?
Le « laboratory » était le nom du studio où je collaborais avec Michael. Il était situé dans sa propriété, dans le quartier d’Encino à Los Angeles. Pendant de nombreuses années il y avait eu là un très petit studio d’enregistrement où Michael et ses frères enregistraient leurs démos. Un peu avant que je ne débute avec Michael sur l’album Bad, il a fait rénover ce studio et y a fait installer un équipement plus moderne, de niveau professionnel. Nous avions donc un studio d’enregistrement à la pointe du progrès. Et Michael adorait expérimenter, il voulait créer des choses nouvelles que personne n’avait entendues avant, à la fois au niveau de la musique et du caractère des sons utilisés. Un grand nombre d’expérimentations furent conduites avec différents équipements. Nous avons beaucoup travaillé avec des samplers, des appareils d’enregistrement, divers équipements musicaux. À cette époque, il y avait notamment un nouvel engin, le Synclavier, un synthétiseur digital capable de faire des samples et de générer des sons pouvant être programmés. Parfois nous allions dans des endroits différents afin d’enregistrer des sons dans des lieux dotés d’attributs sonores particuliers. Et parfois nous dégotions aussi des objets de la vie quotidienne comme une poubelle, un balai ou un morceau de métal, dont nous enregistrions les sons avant de les manipuler pour les rendre originaux et novateurs. Les sons ainsi créés étaient souvent percussifs, de petits bruits secs qui se retrouvèrent par exemple sur les chansons « Bad » et « Speed Demon ». Plus généralement, une grande part de notre travail de production dans le laboratoire consistait à donner corps aux idées originales de Michael. Quand notre part de boulot était faite, on transmettait ensuite à Quincy Jones et à Bruce Swedien aux Studios Westlake, et ils finalisaient la production de l’album.
À quoi ressemblaient les lieux ?Une petite maison, que l’on pourrait qualifier de guesthouse, était située à l’écart du bâtiment principal, à l’arrière de la propriété. Et cette maison fut ensuite convertie pour abriter le studio d’enregistrement de Michael ainsi que le bureau où il gérait ses affaires. L’édifice était superbement décoré, en brique, dans ce style très familier, confortable et vieillot qui est celui des parcs d’attractions Disney. Une grande baie vitrée donnait sur l’extérieur et, en la regardant, on avait l’impression d’observer la vitrine d’un magasin de jouets : elle donnait à voir une mise en scène, un diorama avec de nombreuses poupées et des jouets. Une fois entré dans le bâtiment, vous pénétriez dans la cabine de contrôle du studio, et il y avait d’autres pièces destinées aux musiciens et à l’enregistrement des voix. À coté de la vitrine avec les poupées, il y avait cet espace que l’on appelait le magasin de bonbons, avec plein de variétés de sucreries exposées, de sorte que les enfants qui passaient pouvaient toujours se servir.
Pouvez-vous nous décrire une séance d’enregistrement typique ?Nous étions habituellement deux à travailler au sein du studio : un ingénieur du son et une autre personne, musicien ou programmeur. Bill Bottrell et moi-même nous nous relayions au poste d’ingénieur du son. Les deux musiciens qui s’occupaient des synthés et de la programmation étaient John Barnes et Christopher Currell. Quand nous étions dans le studio et que Michael faisait son apparition, il lançait quelque chose du style : « Aujourd’hui, nous allons travailler sur “The Way You Make Me Feel”, sur “Hot Fever ”, et l’on va travailler les sons de la batterie et de la basse ». Donc ce jour-là on se concentrait sur ces sons spécifiques. Michael nous annonçait à son arrivée ce que serait le programme de la journée, si bien que nous ne savions pas à l’avance ce que nous allions faire un jour donné. Cela faisait partie du défi – Michael se pointait, nous donnait ses instructions et nous commencions à préparer le matériel et à nous enthousiasmer sur le travail de la journée. Nous travaillions toujours très dur, mais en même temps Michael, avec son grand sens de l’humour, veillait toujours à ce que l’atmosphère reste légère et enjouée.
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